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En rédigeant mon ouvrage Le tatouage traditionnel américain, j’ai intégré les recherches d’Ira Dye, un historien américain. J’ai choisi de reproduire le motif de la sirène ci-dessous, comme étant un tatouage de marin ancien, puisque prélevé en 1808. En effet, ce spécialiste en histoire maritime légende le croquis avec ces informations qu’il a dû reprendre des archives du Guy’s Hospital. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai revu cette sirène dans les ouvrages exposés pour l’exposition « Alexandre Lacassagne et le tatouage » à la BU Santé Rockfeller, à Lyon.
Légende du rapport d’Ira Dye : En 1808, le croquis d’une sirène sur la peau d’un marin qui a été prélevée et préservée au Guy’s Hospital de Londres. © DR
Alexandre Lacassagne et le tatouage
Le 25 mai 2024, je me suis déplacée à la BU Santé Rockfeller pour admirer la rétrospective « Alexandre Lacassagne et le tatouage » qui présentait une partie des archives du médecin et père fondateur de l’anthropologie criminelle, à Lyon. Dans l’un des vitrines, le docteur Vervaeck reproduit cette même sirène pour son ouvrage « Le tatouage en Belgique ». J’ai été stupéfaite par la reproduction parfaitement identique de ce motif. Son étude restitue les symboles prélevés sur la peau des détenus de la prison des Minimes à Bruxelles.
Une mystérieuse sirène
Ci-dessous, sur la page de gauche, on retrouve un schéma parfaitement identique à celle du rapport d’Ira Dye. L’historien américain écrit ainsi : « La figure 6 montre un tatouage de sirène de cette période, provenant d’un morceau de peau conservé au Guy’s Hospital de Londres. » Dans son ouvrage, le docteur Vervaeck commente également le dessin n° 6 : « Sirène, tatouage chez un détenu bruxellois qui n’a jamais navigué. » Est-ce que cette dernière évocation est volontaire pour souligner le mimétisme dont faisaient parfois preuve les prisonniers ?
Ces dessins semblables et ces commentaires différents suscitent des interrogations. Ira Dye mentionne l’année de 1808. Cent plus tard, le Dr Louis Vervaeck publie son étude en 1907. Selon le processus de décalque pratiqué à cette époque, le médecin ou son assistant a reproduit cette sirène au sein de la prison des minimes vers 1900. Cela représente un écart de plus d’un siècle. Est-ce que ces deux motifs appartiennent à la même personne ? Les détails identiques sont troublants. Quelle est la source d’Ira Dye ? A-t-il obtenu ce croquis du Guy’s Hospital ? ou bien a-t-il trouvé ce dessin dans un ouvrage anglais avec une légende erronée ? À ce stade, je ne suis pas en mesure de vérifier cette théorie.
Des peaux prélevées par le Dr. Villette
Néanmoins, il est intéressant de noter que cet établissement conserve quelques épidermes encrés de criminels français de 1850 à 1920. Elles ont été découpées par le chirurgien français Villette, dont une partie est visible ici : https://www.jstor.org/stable/community.24780719. Le Guy’s Hospital possède peut-être le tissu cutané du Belge. Est-ce que ce motif a parcouru un siècle avant de se retrouver sur la peau d’une nouvelle personne ? Cela paraît peu probable, car ces deux dessins sont identiques : le nombre de nageoires et leur placement, le profil de la sirène, etc.
Une sirène pour un terrien
Si ce tatouage appartient au Bruxellois qui n’a jamais navigué, cela veut dire que la reproduction de la sirène dans le rapport d’Ira Dye ne date pas de 1808 et que ce tatouage n’a pas été prélevé sur la peau d’un marin.
MISE À JOUR LE 29.11.2024
@thetattooscholar m’a demandé pourquoi la sirène tenait un miroir. Du coup, j’ai fait quelques recherches et j’ai trouvé qu’Ira Dye cite Gwen Benwell, qui a mené des études sur les sirènes. Tadam !
@thetattooscholar asked me why the mermaid was holding a mirror. So I did some digging and found that Ira Dye references Gwen Benwell, who researched mermaids. Ta-da!
