Introduction aux symboliques : entre croyances, dangers et amours

Les symboles du tatouage traditionnel américain ont un sens profond pour les marins qui les portent au XVIII^e siècle. La vie en mer est rude et dangereuse. Et les marins se réfugient dans les superstitions. Ainsi, les symboles encrés sont une forme d’exutoire à leurs démons : la solitude, les tempêtes, la maladie, etc.

« Beaucoup de marins étaient extrêmement superstitieux, ils faisaient des tatouages spécifiques pour délivrer cette anxiété de leurs croyances. De vieilles histoires racontent que les jours d’ennui sur le bateau, les marins se faisaient tatouer la tête du Christ sur leurs dos. S’ils s’attiraient des ennuis et devaient prendre des coups de fouet, la personne qui les punissait était plus compatissante » raconte Chuck Eldridge. 

EXTRAIT DU CHAPITRE 9 « LES SYMBOLES » :

À ses origines, le tatouage traditionnel américain et ses symboles étaient avant tout figuratifs. Les motifs extériorisaient un sentiment amoureux, patriotique ou une ferveur religieuse. C’est la raison pour laquelle les premiers scientifiques, médecins et criminalistes dédaignaient ce langage « artistique » sur le corps qu’ils considéraient comme l’expression simpliste d’hommes peu cultivés, issus des classes populaires. Avant 1780, seuls la presse ou les bulletins papier permettaient d’observer les tatouages des marins américains, comme le confirment Peter Rushton et Gwenda Morgan : « Ce qui caractérise la période antérieure à 1780 environ, des deux côtés de l’Atlantique, c’est que c’est le récit publié, et non le dossier bureaucratique, qui constitue la première source de preuve ³¹⁸. »

Ces documents sont donc notre première source historique sur les symboles. N’oublions pas les nombreuses annonces éditées à la recherche de nos fugitifs anglais condamnés à travailler dans les fermes et les plantations américaines. Ces fuyards s’engageaient sur le premier bateau qui les acceptait. Les textes mentionnaient régulièrement des initiales à l’encre de Chine et, parfois, des dessins plus sophistiqués, comme celui de Richard Kibble qui portait sur la poitrine une femme et un cerisier, en 1738. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’à cette époque une grande majorité de marins n’avaient pas de tatouages. De plus, les motifs étaient très simples, à base de lignes, car ils étaient encrés à la main et à l’aiguille.

Les certificats du SPC-A

De 1796 à 1818, ce sont les certificats du SPC-A et les registres des prisonniers de guerre qui nous offrent d’observer la tradition du tatouage chez les marins américains. L’historien maritime Ira Dye a ainsi publié en 1989 The Tattoos of Early American Seafarers, l’une des études scientifiques les plus complètes sur la pratique du tatouage du XVIII^e au XIX^e siècle. À ce sujet, l’historien Barry Richard Burg écrit : « En utilisant les vastes quantités de données contenues dans les demandes de certificat de protection des marins de Philadelphie de 1796 à 1818 aux Archives nationales de Washington, et les livres d’entrée généraux tout aussi détaillés de prisonniers de guerre américains, 1812-1815, au Public Record Office de Kew, il a produit un compte rendu élégant des tatouages qui ornaient les marins américains il y a près de deux siècles³¹⁹. »

Ainsi, les statistiques et les comparaisons d’Ira Dye permettent de se faire une idée sur le profil type du marin tatoué à cette époque. Les hommes avaient souvent les mains tatouées, mais très peu les jambes ou les pieds. Aucun d’entre eux n’avait de tatouage facial volontaire. Il évoque le cas unique d’un marin tatoué de force sur le visage par ses camarades avec les initiales U. S. T, qui voulaient dire U.S. Traitor, soit « traître à l’Amérique »³²⁰.

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