Le tatouage est-il douloureux ?

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rédigé par Alexandra Bay

12 juin 2020

C’est la question que tous les tatoués ont entendu au moins une fois. Et la réponse est simple : oui, un tatouage, ça fait mal. Mais tout dépend de chacun. Une douleur supportable pour les uns peut être un véritable calvaire pour les autres. Concrètement, imaginez plusieurs aiguilles qui piquent votre peau une cinquantaine de fois par seconde. La machine trace votre motif en perforant la surface, puis en atteignant le derme — à environ un millimètre de profondeur — pour y injecter l’encre. Ce n’est pas anodin.

Texte : @Alexandra Bay – Article publié dans le Hors-Série Pratique 2020 de Tatouage Magazine

@domaine public

Heureusement, votre corps libère des endorphines, ces hormones capables d’atténuer la douleur. Mais leur effet dépend de nombreux facteurs : la force de l’artiste, sa technique, son humeur, la vôtre… Et plus la séance dure, plus le corps fatigue, plus chaque passage devient sensible. Parfois, le temps semble s’étirer à l’infini. Le tatouage est une expérience physique à part entière. Il faut s’y préparer — mentalement et physiquement.

1/ Votre seuil de tolérance

Le facteur le plus important à prendre en compte avant une séance de tatouage, c’est vous. Plus précisément : votre propre seuil de tolérance à la douleur. Vous seul·e connaissez les limites de votre corps — et il est essentiel de l’écouter. Avant tout, préparez-vous correctement. Oubliez les soirées jusqu’à 4h du matin et les excès d’alcool. Boire perturbe votre organisme à plusieurs niveaux : cela fluidifie le sang, ce qui provoquera plus de saignements pendant la séance. Et le lendemain, en plus d’un mal de crâne carabiné, vous serez fatigué.e, avec un seuil de douleur affaibli. Mauvais combo.

Nicolas Yede conseille des séances de relaxation, de sophrologie, et même d’hypnose.

La manière dont vous appréhendez la douleur joue aussi un rôle clé. Plus vous vous crispez au moment du piquage, plus la douleur s’intensifie. Un corps détendu souffre moins. Alors dormez bien la veille, mangez correctement, hydratez-vous. L’endurance passe aussi par une bonne condition physique. Apprendre à se détacher de la douleur demande un effort de concentration, presque une forme de méditation. Si votre rapport à la douleur est plus profond, notamment en cas de phobie ou d’anxiété intense, l’artiste Nicolas Yede recommande des approches complémentaires comme la relaxation, la sophrologie, voire l’hypnose. Le tatouage, c’est aussi une expérience mentale. Mieux vous serez préparé·e, plus elle sera positive.

2/ L’artiste

On n’en parle pas assez, mais l’artiste joue un rôle majeur dans la douleur ressentie. Tous les tatoueurs ne travaillent pas de la même manière. Certains ont une main légère, piquent doucement, presque en finesse. D’autres sont rapides, efficaces, et appuient juste ce qu’il faut pour faire bien pénétrer l’encre. Ceux-là aiment que la couleur tienne, et n’hésitent pas à y aller franchement.

L’empathie ? Elle est relative pendant une séance. Un bon tatoueur sait qu’il doit faire abstraction de la douleur du client pour rester concentré sur son geste. On tend la peau, on pique dans la couenne, comme on dit. Ce n’est pas une partie de plaisir — ni pour vous, ni toujours pour lui. Il faut le savoir : le tracé (les contours) est généralement moins douloureux que le remplissage, notamment avec de la couleur. Si vous optez pour un motif fineline, fin et délicat, principalement en tracé, la séance sera en principe plus supportable qu’un gros tatouage coloré, bien chargé en aplats.

« Si la douleur devient insupportable, les artistes à l’écoute proposent de diviser la séance. »

Cela dit, ne souffrez pas en silence. Sans hurler ni vous transformer en chaton affolé, signalez si la douleur devient trop forte. Un.e tatoueur.se à l’écoute saura adapter sa technique, ralentir un peu ou vous proposer une pause. Et quel bonheur, ce moment où l’artiste nettoie la zone tatouée, c’est un vrai soulagement… Mais attention, la reprise après la pause peut piquer encore plus !

Enfin, si la douleur devient vraiment ingérable, sachez que la plupart des artistes compréhensifs vous proposeront de scinder la séance en plusieurs rendez-vous. Rien ne sert de serrer les dents à tout prix : le tatouage est une épreuve, mais elle peut (et doit) rester un bon souvenir.

3/ L’outil

La machine à tatouer, ou dermographe, est un autre facteur non négligeable dans la perception de la douleur. Bien qu’elle puisse sembler simple à utiliser, elle demande en réalité un vrai savoir-faire technique. Et je parle d’expérience : lors d’une séance de quatre heures, un tatoueur m’a littéralement lacéré la peau avec un faisceau d’aiguilles usées. Résultat ? Une douleur insupportable, une cicatrisation longue et un très mauvais souvenir. Pire encore, l’artiste a continué comme si de rien n’était.

Heureusement, ce genre d’incident reste rare. La grande majorité des tatoueurs professionnels connaissent leur matériel sur le bout des doigts. Ils choisissent leur machine, leurs aiguilles et leurs réglages en fonction de leur style, mais aussi pour garantir un travail propre, précis… et le moins douloureux possible. Moralité : si la douleur vous semble anormale, ce n’est peut-être pas vous le problème. N’hésitez pas à poser des questions sur le matériel utilisé. Un bon professionnel n’a rien à cacher et saura vous rassurer.

« L’encrage, point par point, traumatise moins la peau. En revanche, la séance est plus longue, mais la cicatrisation, plus douce. »

Chaque artiste a sa manière d’adoucir l’expérience. Par exemple, Alice Patalucci adapte son matériel en baissant le voltage de sa machine pendant le remplissage, afin d’être moins agressive pour la peau. Ce genre d’attention fait toute la différence sur le ressenti du client.Vous pouvez aussi vous tourner vers une autre approche : le handpoke, ou tatouage manuel. Ici, pas de machine. L’encre est injectée point par point, à l’aide d’un faisceau d’aiguilles guidé uniquement par la main de l’artiste. La sensation est différente : moins vibrante, moins lancinante, et souvent perçue comme plus douce. Le geste est plus lent, certes, mais il traumatise moins la peau. Résultat : une cicatrisation généralement plus rapide et moins douloureuse.

4/ Quels sont les endroits les moins douloureux et les plus douloureux ?

La localisation du tatouage joue un rôle majeur dans l’intensité de la douleur ressentie. De manière générale, les zones charnues — là où les muscles et la peau sont épais — sont considérées comme les moins douloureuses. C’est le cas, par exemple, du haut du bras, du mollet ou encore du haut de la cuisse. Ces endroits sont moins sensibles car ils sont moins riches en terminaisons nerveuses.

À l’inverse, les zones osseuses ou très fines, avec peu de gras, sont redoutées des tatoué·es. Les côtes, les poignets, les pieds, la colonne vertébrale ou encore les chevilles font partie des zones les plus sensibles. La peau y est fine, les nerfs nombreux… et chaque passage d’aiguille s’y fait sentir avec intensité. Bien sûr, chaque corps est différent. Certaines personnes tolèrent très bien un tatouage sur le sternum quand d’autres souffrent sur une simple épaule. Mais en règle générale, plus une zone est proche de l’os, plus la douleur est vive.

« […] à mon sens, cette douleur fait partie du rituel. Intérioriser sa douleur, permet de se recentrer sur soi et de se laver la tête en quelque sorte. C’est un moment durant lequel je ne réfléchis plus. »

Certaines parties du corps sont unanimement reconnues comme très douloureuses à tatouer. Parmi elles : le visage, les oreilles, le cou, la gorge, le sternum, les aisselles, les tétons, le ventre, les côtes, l’intérieur des bras et du coude, les poignets, les mains, les doigts… Et la liste est encore longue. Plutôt que de continuer ce catalogue des zones sensibles, je vous laisse jeter un œil à l’infographie ci-dessous — elle parlera d’elle-même.

On ne va pas se mentir : oui, un tatouage, ça fait mal. Mais à mes yeux, cette douleur fait partie intégrante du rituel. Ce n’est pas une épreuve anodine. C’est un moment intense, qui oblige à l’introspection. La douleur recentre, elle fait taire le mental. Pendant la séance, je ne pense plus à rien. C’est une sorte de parenthèse — brute, mais libératrice.

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