En 1929, on se tatoue déjà le blanc de l’oeil !

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rédigé par Alexandra Bay

16 décembre 2019

Quand la nouveauté n’en est plus une : le tatouage du globe oculaire, entre réinvention et oubli

Texte : @Alexandra Bay

Journal Comoedia du 10 mars 1929

Plus fort que les Iroquois.

Tatouer le blanc de l’œil : à première vue, cette pratique semble récente. Pourtant, elle ne date pas d’hier. En fouillant dans les archives de la presse, on découvre avec étonnement qu’en 1929 déjà, un article moquait cette nouvelle lubie venue des États-Unis : des femmes se faisaient injecter des pigments dans le globe oculaire pour colorer la sclérotique en jaune doré, violet ou vert jade. L’auteur s’interrogeait alors, non sans ironie, sur les dangers de cette coquetterie extrême.

Presque un siècle plus tard, le discours a changé, mais les gestes demeurent. Le scleral tattoo, comme on l’appelle aujourd’hui, est pratiqué par une poignée de professionnels du body modification dans le monde. Il ne s’agit plus seulement d’esthétique mais aussi d’affirmation identitaire, de revendication artistique ou de provocation assumée. À la différence du fantasme des années 1920, la technique actuelle repose sur l’injection de pigments sous la conjonctive à l’aide d’une fine aiguille. Les risques, eux, n’ont pas disparu : complications infectieuses, inflammation, ou dans les cas les plus graves, perte de la vue.

Ce qui frappe, c’est la récurrence d’un même imaginaire autour du corps comme territoire de dépassement. Déjà en 1929, on percevait dans ces gestes un mélange de fascination et de rejet. Aujourd’hui, la pratique est plus rare mais aussi plus documentée, plus contextualisée. Elle s’inscrit dans une logique de transformation corporelle volontaire, à la lisière de l’art et de la transgression.

Ainsi, loin d’être une invention des temps modernes, le tatouage du globe oculaire illustre un vieux désir de métamorphose. Ce qui change, peut-être, c’est notre manière d’en parler : moins moqueuse, plus inquiète, mais toujours traversée par une même question — jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour faire du corps une œuvre à part entière ?

@retronews

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