Patterns of life, immortaliser les rites sacrés

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rédigé par Alexandra Bay

4 juin 2022

Patterns of life, immortaliser les rites sacrés Immortaliser les rites sacrés du tatouage est le désir ardent du cinéaste Michael Zomer et de sa compagne anthropologiste Sophie Brouwer. Pour leur premier épisode, accompagné de l’anthropologue Lars Krutak, le couple hollandais s’est aventuré au fin fond des civilisations à la rencontre des derniers chasseurs de têtes du Nagaland. Le premier épisode est visible sur leur instagram @patterns.of.life.documentary depuis décembre.

Alexandra Bay : Qui est l’équipe de Patterns of Life ?

Michael Zomer : Je suis cinéaste. Avec l’anthropologue Sophie Brouwer, nous voyageons en couple dans les coins les plus reculés du monde pour réaliser un documentaire sur la plus ancienne langue du monde, les tatouages traditionnels. Ces symboles anciens peuvent être traduits en thèmes inspirants, tels que : l’identité culturelle, l’harmonie entre l’homme et la nature, le monde spirituel et un mode de vie holistique.

Michael Zomer et Sophie Brouwer @Patterns of life

A.B. : Comment le projet de documentaire Patterns of Life a-t-il vu le jour ?

M.Z. : Nous trouvons tous les deux fascinant qu’il existe encore des civilisations situées au plus profond de la jungle, des zones montagneuses reculées et des villages vivant une vie authentique en lien avec la nature. Ils se déplacent dans un monde d’expériences qui implique une révérence pour la terre sur laquelle ils vivent, personnalisée par les noms des montagnes et des rivières qui les entourent. Ils mesurent le temps au rythme des marées et des saisons, plutôt qu’avec le vide des horloges et des calendriers.

Notre objectif est de capturer des histoires qui n’ont jamais été racontées.

Michael Zomer

Nous avons suivi notre curiosité et voulions ressentir à quoi ressemblait la vie dans la jungle. Donc, nous sommes allés aux îles Mentawai, sans aucun plan de ce que nous voulions « capturer ». Dès que nous avons commencé à vivre avec eux, nous avons découvert à quel point ils appréciaient leurs tatouages et avons découvert les significations les plus profondes. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons décidé de commencer à effectuer des recherches sur les tatouages traditionnels. Et il nous est venu l’idée de visiter différentes tribus et civilisations du monde entier avec une ancienne culture et histoire du tatouage.

Michael Zomer et Sophie Brouwer @Patterns of life

A.B. : Quel objectif poursuivez-vous ?

M.Z. : Notre objectif est de capturer des histoires qui n’ont jamais été racontées. Et de traduire la langue indigène de la peau dans une compréhension moderne, avant que ces histoires anciennes ne disparaissent à jamais.

Il cumule plus de vingt-cinq ans de recherches, alors imaginez tout le travail incroyable qu’il a fait et les articles qu’il a écrits.

Michael Zomer

A.B. : Comment s’est faite votre rencontre avec Lars Krutak ?

M.Z. : Lorsque nous avons commencé à effectuer des recherches sur les tatouages anciens, un tout nouveau monde s’est ouvert pour nous. Et la plupart du temps, nous avons fini par lire les articles de l’anthropologue tatoueur Lars Krutak. Il cumule plus de vingt-cinq ans de recherches, alors imaginez tout le travail incroyable qu’il a fait et les articles qu’il a écrits. Son enthousiasme sur ce sujet nous a enflammés. Quelques mois après notre premier voyage à Mentawai, nous étions aux États-Unis pour une autre production cinématographique. Nous lui avons écrit un e-mail et, le lendemain, nous étions assis ensemble dans un bar à Washington D.C., partageant nos passions.

Lars Krutak – @Patterns of life

A.B. : Était-il essentiel d’inclure Lars Krutak dans votre équipe ?

M.Z. : Oui, c’était très important à bien des égards, bien sûr pour son expérience et ses connaissances, et surtout sa volonté de nous aider. Nous sommes très reconnaissants d’avoir tourné l’épisode pilote avec lui au Nagaland, en Inde.

Nous croyons que tout arrive pour une raison et nous avons appris de toutes les décisions que nous avons prises

Michael Zomer

A.B. : Quelles tribus souhaitez-vous documenter dans ce projet ?

M.Z. : Nous avons déjà tourné en Inde au Nagaland, avec les guerriers Konyak et à Chhattisgarh avec la communauté Ramnami. Pour terminer notre série documentaire, nous prévoyons quatre épisodes. En décembre, nous commençons à filmer en Tunisie, pour découvrir la culture amazighe. Lorsque l’Indonésie ouvrira à nouveau ses frontières, nous retournerons dans les îles Mentawai pour tourner un épisode. Parce que notre premier voyage à Mentawai n’était qu’un voyage de recherche.

Avec la tribu des Mentawai @Patterns of life

A.B. : La pandémie de Covid-19 a interrompu votre projet. Quel en est votre plus grand regret ?

M.Z. : Nous ne regrettons rien. Nous croyons que tout arrive pour une raison et nous avons appris de toutes les décisions que nous avons prises. Bien que, pendant que nous attendions que le monde s’ouvre à nouveau, beaucoup d’anciens tatoués sont décédés. C’est donc vraiment dommage que nous n’ayons pas eu le temps d’immortaliser leurs histoires.

Notre « introduction » auprès de la tribu est très importante. Avant d’aller sur le terrain, nous faisons beaucoup de recherches et nous nous connectons avec des anthropologues ou d’autres travailleurs de terrain qui ont déjà vécu avec les tribus par le passé.

Michael Zomer

A.B. : Quelles tribus avez-vous réussi à filmer au cours de vos voyages ?

M.Z. : Nous avons tourné au Myanmar avec la tribu Chin. Et comme mentionné ci-dessus déjà au Nagaland, Mentawai et Chhattisgarh.

Chasseur de têtes du Nagaland @Patterns of life

A.B. : Comment êtes-vous allé à la rencontre des tribus ? Aviez-vous un traducteur sur place ?

M.Z. : Notre « introduction » auprès de la tribu est très importante. Avant d’aller sur le terrain, nous faisons beaucoup de recherches et nous nous connectons avec des anthropologues ou d’autres travailleurs de terrain qui ont déjà vécu avec les tribus par le passé. Nous entrons donc en contact avec elle grâce à un référent que nous trouvons par le biais de nos recherches. Grâce à ce contact, nous avons une proximité particulière avec les populations. Nous travaillons toujours avec un traducteur, car c’est impossible sans.

Ce n’était pas toujours facile car par exemple au Nagaland, ils ont fait le serment, quand les missionnaires sont venus, de ne plus jamais tatouer. Cela signifie que nous ne pouvions filmer aucune méthode de tatouage.

Michael Zomer

A.B. : Sophie Brouwer, en tant qu’anthropologue, avez-vous l’impression d’avoir approfondi votre connaissance de leur histoire ?

S.B. : Oui nous avons beaucoup appris. Notre intention est de vivre vraiment avec les gens plus longtemps. C’est-à-dire que nous nous adaptons complètement à leur rythme. En mangeant, en cuisinant, en faisant des rituels ensemble… en dormant par terre…. Et pas seulement visiter et prendre quelques photos et partir. Les plus grandes leçons apprises et expériences se produisent dans ces moments de véritable connexion.

Homme de la tribu Mentawai @Patterns of life

A.B. : Votre objectif était de préserver la mémoire des rites de tatouage des dernières tribus. Pensez-vous avoir réussi à documenter des techniques ancestrales ?

M.Z. : Jusqu’à présent, nous avons pu filmer certaines méthodes de tatouage. Ce n’était pas toujours facile car par exemple au Nagaland, ils ont fait le serment, quand les missionnaires sont venus, de ne plus jamais tatouer. Cela signifie que nous ne pouvions filmer aucune méthode de tatouage. Mais à Mentawai et Chhattisgarh, nous avons pu saisir cela. Et aussi le processus de fabrication de l’encre.

Le premier pilote sera diffusé en différents épisodes sur notre chaîne Instagram @patterns.of.life.documentary.

Michael Zomer

A.B. : Avez-vous pu filmer l’intégralité des rites ?

M.Z. : Oui, nous avons capturé des événements et des rituels très spéciaux.

Femme de la tribu Chin @Patterns of life

A.B. : Vous avez filmé les chasseurs de têtes du Nagaland. Qu’avez-vous ressenti en les rencontrant ? Cette expérience a-t-elle été impressionnante ?

M.Z. : Nous étions très curieux de savoir comment ils nous recevraient et s’ils apporteraient une autre ambiance que les autres personnes que nous avons rencontrées dans des endroits différents. C’était impressionnant de les rencontrer et de savoir ce que leurs tatouages signifiaient. En même temps, ils étaient très gentils et heureux de nous recevoir. Si nous ne connaissions pas leur histoire, nous n’aurions jamais deviné qu’il s’agissait d’anciens chasseurs de têtes.

Chaque tribu a une histoire et un passé différents. Mais s’il fallait dire quelque chose en général, ce serait l’espoir de célébrer la diversité culturelle.

Michael Zomer

A.B. : Où allez-vous diffuser les vidéos ? (viméo, youtube, etc…)

M.Z. : Le premier pilote sera diffusé en différents épisodes sur notre chaîne Instagram @patterns.of.life.documentary. Pour les autres épisodes, nous sommes toujours en contact avec un diffuseur International et une plateforme de vidéos à la demande. On ne peut donc pas encore dire grand-chose.

Tribu du Chhattisgarh @Patterns of life

A.B. : Avez-vous eu l’occasion de vous faire tatouer sur place ?

M.Z. : Oui, on nous a proposé de faire un tatouage sur place. Cependant, nous n’en avons pas fait. Car ça ne ressemblait pas à notre histoire. C’est leur histoire et leur culture. Et puis, nous ne sommes pas de gros tatoués de toute façon. Notre intérêt vient vraiment d’un point de vue anthropologique et historique.

Honorez la mère nature. Soyez surpris et enrichi par la belle diversité culturelle de notre monde. De cette connexion, découle automatiquement votre responsabilité intrinsèque.

Michael Zomer

A.B. : Quels sont les espoirs et aspirations des dernières tribus ?

M.Z. : C’est dur à dire. Chaque tribu a une histoire et un passé différents. Mais s’il fallait dire quelque chose en général, ce serait l’espoir de célébrer la diversité culturelle. Et que nous ne devenions pas des gens modernisés homogènes portant tous le même genre de tenues, croyant les mêmes choses et se concentrant uniquement sur le monde matériel… Restons curieux et ouverts à l’invisible. Ces tribus ont un lien fort avec le monde immatériel. Nous espérons qu’ils maintiendront leur capacité à se connecter avec leur vraie nature.

Chasseur de têtes du Nagaland @Patterns of life

A.B. : Quel message souhaitent transmettre ces tribus aux « hommes civilisés » que nous sommes ?

M.Z. : Sortez des sentiers battus, connectez-vous, vivez du cœur et approchez d’autres cultures avec la curiosité et l’espièglerie d’un enfant. Honorez la mère nature. Soyez surpris et enrichi par la belle diversité culturelle de notre monde. De cette connexion, découle automatiquement votre responsabilité intrinsèque.

Suivez Patterns of Life :

Website : www.patternsof.life

Instagram: @patterns.of.life.documentary

Contact: sophie@pattternsof.life

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