Les Mentawai ont besoin de vous !

Les Mentawai ont besoin de vous ! Stef Ness a lancé une cagnotte. Son souhait est de financer et d’acheminer des projecteurs solaires à la tribu des Mentawai. Les hommes fleurs vivent sur l’île de Pulau Siberut, au large de l’Indonésie. C’est l’environnement idéal pour stocker la lumière du soleil et illuminer les Uma, leurs maisons communautaires. Ainsi, la tribu des chasseurs-cueilleurs pourrait vivre réellement en autarcie, sans utiliser l’énergie fossile de nos sociétés modernes…

Texte : @Alexandra Bay

Perceur depuis 20 ans, Stef Ness a toujours rêvé de rencontrer les dernières tribus de ce monde. Ces peuples qualifiés de primitifs et qui pourtant, vivent en parfaite harmonie avec la nature. Après une période difficile, il s’est lancé dans l’aventure et a crapahuté dans les endroits les plus reculés de notre planète.Il s’est soigné l’âme au contact d’hommes et de femmes qui ont fait le berceau de notre humanité — disparue. Après la tribu Iban de Bornéo, le Strasbourgeois a rencontré les Mentawai, au large de l’Indonésie. Il a vécu une expérience si forte avec les hommes fleurs qu’il revient en novembre prochain. Son rêve ? Il souhaite leur apporter la lumière grâce aux panneaux solaires.

Peux-tu me raconter ton parcours de tatoué ?

Stef Ness : J’ai commencé en 1991. J’ai été marqué par la rencontre de mon oncle, marginal de son état, entièrement tatoué et rejeté par la famille ainsi que cette société. C’est alors devenu une quête, une envie de prouver au monde qu’un tatoué n’est pas un extraterrestre. Collégien, mon côté punk en rébellion était né. Le cap de l’encrage ne s’est pas trop fait attendre.

C’est au cours de l’un de mes premiers concerts en extérieur, quelques mois plus tard, que je me suis fait tatouer un petit requin de 3 cm sur 2 cm, sur le haut du bras. L’histoire se poursuit et évolue. J’ai toujours autant envie de me faire encrer la peau et rencontrer des tatoueurs qui deviennent peu à peu des amis. En 1999, je suis rentrée dans la sphère du tatouage en travaillant chez Primitive Abstract, j’y ai appris toutes les bases du piercing.

Pour quelle raison es-tu parti en excursion au Pulau Siberut ?

En 2013, à l’âge de 36 ans, après une grosse dépression, j’ai eu envie de voyager. Et rencontrer les tribus de ce monde faisait partie de mes rêves. C’est tout naturellement que j’ai effectué mon premier périple à Bornéo. Dans la jungle, j’ai pu vivre en autarcie avec la tribu Iban (une ethnie du groupe des Dayaks) et rencontrer de nouveaux amis ; pour la plupart, des tatoueurs. À force de rencontres et de voyages annuels dans les îles du Sud asiatique, j’ai eu la chance d’aller à la rencontre de la tribu des Mentawai en 2017.

Femme du village Katorai sur l’île Siberut (Mentawai tribu).
Peux-tu me présenter l’histoire de la tribu des Mentawai ?

Beaucoup de secrets planent encore sur cette tribu qui ne dispose toujours pas d’écrits ou de manuels d’histoire d’un passé ancien de plus de 3000 ans. Le sikerei (le chaman en langue mentawai) ainsi que les 500 derniers représentants d’une culture en déclin se gardent de dévoiler leurs cultures à cet homme blanc ou à ce visiteur étranger qui pourrait s’avérer potentiellement dangereux pour leur survie. Les langues se délient peu à peu. Jusqu’au jour où les traces écrites seront importantes pour que le peuple Mentawai fasse valoir ses droits, ses terres et ainsi, protéger sa culture auprès des autorités internationales. Il s’agit de préserver ses origines face à la pression de la mondialisation et de l’industrie.

Comment s’est déroulée la communication avec les membres de tribus ?

Ce n’était pas très simple d’apprendre le mentawai puisqu’il n’existe aucun dictionnaire à ce jour. Mais mon guide Mentawai Esmat parlait anglais et il m’a beaucoup aidé dans les échanges. J’ai également remarqué que le langage n’était pas une barrière lors de mes longs échanges avec les vieux chamans. Que ce soit avec les mains, les signes, les dessins dans le sable et les tatouages, beaucoup d’autres méthodes m’ont servi à communiquer.

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué en vivant avec cette tribu ?

J’ai rencontré quelques tribus et celle des Mentawai m’a particulièrement impressionné par son mode de vie. Ce n’est ni une société patriarcale, ni matriarcale, ni dirigée par un chef. C’est une tribu où chaque homme, femme et enfant a son propre rôle à jouer. La tribu évolue au jour le jour sur les conseils des chamans. Ils vivent de la cueillette et de la chasse grâce à la nature qui les entoure. D’ailleurs, la consommation de la viande n’est pas une habitude quotidienne pour les Mentawai. Les cérémonies sont des occasions d’en consommer et si l’on s’en délecte, c’est grâce aux chamans. En effet, ils ont besoin de lire dans les entrailles de l’animal pour connaître le futur de la tribu. Avant de tuer la bête, il faut passer des heures à essayer de l’attraper dans une jungle hostile, sans la blesser. Il s’ensuit une cérémonie de remerciements à l’esprit de l’animal, ainsi que des rites pour l’apaiser avant sa mise à mort.

As-tu participé à des rituels particuliers ?

Le premier jour de mon arrivée, j’ai accepté l’invitation des chamans à la cérémonie d’inauguration de la nouvelle Uma : maison traditionnelle commune mentawai. Il s’est déroulé une longue cérémonie non-stop, dans ce lieu de vie où toute la tribu mange, dort et vit ensemble. Dans le même temps, les chamans chantent, préparent des potions et évoluent tout autour de la tribu pendant de longues heures. Il a fallu près de 40 heures d’affilée soit nuit et jour — être réveillé pour danser ou partager une des nombreuses soupes de viscères préparées après chaque sacrifice — pour que les tripes annoncent un avenir de bon augure. Les esprits ont enfin donné leur accord pour finaliser ce long moment. C’était fatigant, éprouvant, mais tellement exceptionnel.

Ancien chasseur cueilleur Mentawai @Stef Ness
Ancien chasseur cueilleur Mentawai @Stef Ness
Quelles étaient les conditions de ton séjour ?

Les conditions étaient très spartiates et difficiles : la chaleur, l’humidité, les piqûres de mouches et de moustiques faisaient mon lot quotidien à Pulau Siberut, mais rien d’insurmontable. Le peuple des hommes fleurs s’accommode simplement de ce qui l’entoure, ainsi que des conditions difficiles. Aussi, on oublie les désagréments face à leur façon saine de vivre avec la nature. C’est aussi un bon moyen de faire un régime forcé. En effet, j’ai constaté une perte de poids, pas moins de 8 kilos en 7 jours

Quelle a été leur réaction vis-à-vis de tes propres tatouages ?

En général, les tribus se sentent tout de suite plus proches d’un visiteur tatoué plutôt que d’une personne lambda. C’est un bon moyen de débuter une relation ou une discussion surtout avec les anciens. Ils sont aussi impressionnés par nos tatouages qu’on peut l’être en les voyant.

Pourquoi as-tu besoin de cette collecte ?

Le but de cette action est d’acheminer au moins une dizaine de projecteurs solaires pour illuminer chaque Uma (habitation), qui abrite entre 5 à 10 personnes.

Nous souhaiterions apporter ce matériel pour que ce peuple exceptionnel perdure en gardant leur indépendance avec moins de prise de risques. En effet, actuellement, les Mentawai sont dépendants du pétrole des industries. Cette énergie fossile payante et polluante est surtout inflammable. Elle peut causer à chaque instant la destruction de leur habitat de bois et ainsi permettre leur expropriation forcée par les autorités locales.

Quand repars-tu là-bas ?

Je repars le 29 novembre prochain, chargé du matériel que je leur apporterai personnellement.
« Aidez les hommes fleurs ! » Participez ! De 1 € à plus, tout le monde est la bienvenue ! »
https://www.leetchi.com/c/appel-pour-eclairer-la-tribu-mentawai

Cette publication a un commentaire

  1. Gilles Devaux

    Ton projet semble sympa mais tu vas faire chier les mentawai. Je les ai rencontrés il y a 30 ans… Déjà foutus…

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Alexandra Bay

+++ Auteure de LOVE, TATTOOS & FAMILY, (ISBN : 2916753214) +++ Co-Fondatrice de FREE HANDS FANZINE +++ TATTOW STORIES +++