Inocent Kidd, Diamant brut du tattoo 2/2

Partie 2/2 : La Picota


Lors de sa garde à vue en Colombie, Inocent Kidd (@Inocent_kidd) tatoue régulièrement les policiers et ses codétenus de passage. Durant 43 jours, le jeune Français affine sa technique du handpoke et encre plus de 60 tatouages à main levée ! Il est prêt à assumer son futur rôle de tatoueur à La Picota, une prison de Bogotá où il est transféré dans l’attente de son extradition en France. Suite et fin.

Texte : Alexandra Bay – Photos : Inocent Kidd


N.B. : Inocent Kid a été extradé en France. Son affaire est en cours d’instruction. Nous ne pouvons donc pas dévoiler de détails précis sur la raison de son incarcération, ni son identité.

https://www.instagram.com/inocent_kidd/

Après 43 jours de garde à vue, Interpol prévient Inocent Kidd de son transfert imminent à Bogotá. Il doit être incarcéré entre 6 à 9 mois au centre pénitentiaire la Picota. En fait, il y passera 18 mois avant son extradition en France ! En attendant, il est de nouveau en cellule de garde à vue à Mártires. Le jeune Français se renseigne sur sa future « résidence » prolongée… La Picota est la plus grande prison de Bogotá. Sa réputation est digne d’OZ, la meilleure série US sur l’univers carcéral. Le pavillon d’extradition est situé dans le quartier de haute-sécurité.

« Les gars criaient « Fils de pute, on va te baiser ! Un petit cul bien frais ! Demain, tu es mort, je vais te niquer. Et ils tapaient sur la porte de leur cellule. »

Le jeune homme cogite. À Mártires, il rencontre le narcotrafiquant Fritanga. Ce dernier arrive des USA et attend son incarcération dans une prison colombienne. Inocent Kidd se souvient : « Fritanga m’a rassuré. Aux USA, il s’était habitué à sa vie en prison. Il m’a dit que l’être humain supporte tout, sauf d’être loin de sa famille. J’ai rencontré un autre gars qui revenait du pavillon d’extradition de « La Picota ». Il avait travaillé et gagné de l’argent. Il n’a pas voulu m’en dire plus. Ça me faisait flipper franchement. »

Bienvenue en enfer

Le jour J, Inocent Kidd se prépare à entrer dans l’arène. Avant de rejoindre leur quartier, les nouveaux sont placés dans une cellule à l’entrée de la prison. Il se rappelle cette nuit si particulière : « Enfermés, les gars criaient « Fils de pute, on va te baiser ! Un petit cul bien frais ! Demain, tu es mort, je vais te niquer. Et ils tapaient sur la porte de leur cellule. J’ai serré les poings et j’ai essayé de dormir ! » Au petit matin, le jeune homme s’attend au pire. Finalement, les prisonniers restent tranquilles et viennent lui poser des questions : « Tu viens d’où ? Qu’est-ce que tu as fait ? C’est nous qui t’avons crié la bienvenue ! »


« Le jour suivant, il l’a montré aux autres (NDLR. le tatouage). Le pavillon d’extradition est petit, alors c’est allé très vite. Ils ont vu que j’étais vraiment tatoueur. »

Ils lui expliquent les règles de la prison. Au sein du pavillon, la cellule d’extradition accueille les affaires de DEA (Drug Enforcement Administration) d’Interpol. Il y a beaucoup d’étrangers en attente de transfert, mais aussi des Colombiens en résidence permanentes. Le pavillon est plus ou moins en autogestion, même si les gardiens veillent au grain. Le fonctionnement de cette mini société carcérale est réglé comme du papier à musique avec une hiérarchie établie. Chacun s’affaire à ses tâches habituelles et trouve sa place/son métier. C’est décidé, Inocent Kidd sera le tatoueur !

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Comme un vrai pro !

Inocent Kidd se présente comme un pro du tatouage. Il raconte : « Le pavillon d’extradition était l’un des plus chers. Il fallait que je travaille. Un gars voulait que je lui rattrape une étoile. Mon codétenu m’a aussi demandé des tatouages. » Grâce à ce dernier, il fait entrer des aiguilles comme « matériel de couture », puis des encres comme « peinture acrylique ». Petit à petit, ils récupèrent tous les outils nécessaires. Son avocate lui amène même du papier transfert ! Malin, Inocent Kidd tatoue son codétenu gratuitement. Il ajoute : « Le jour suivant, il l’a montré aux autres. Le pavillon d’extradition est petit, alors c’est allé très vite. Ils ont vu que j’étais vraiment tatoueur. » Grâce à son talent, Inocent Kidd se constitue une clientèle. Son quotidien est bien rôdé ! Les gardiens ouvrent les cellules à 5 h.

« Lorsque je tatouais un détenu, je lui confiais son aiguille que je désinfectais à chaque nouveau tatouage. Je ne pouvais pas me permettre d’ouvrir une aiguille pour la jeter. Lorsque l’aiguille était usée, je la changeais évidemment. »

Après le passage en revue à 7 h, il en profite pour tatouer et l’après-midi, il dessine les futurs projets. À 17 h, c’est de nouveau le comptage, puis retour en cellule vers 18 h/19 h. Il confie : « Je tatouais le matin, je m’arrêtais pour le comptage, car ce n’était pas légal. Lorsque les surveillants rentraient dans le pavillon, un gars criait pour nous prévenir et donc, j’arrêtais de tatouer. » Le tatouage lui permet de trouver sa place. Il se fait rémunérer en argent ou avec du troc. Il ne paie jamais une coupe de cheveux, car il tatoue le coiffeur. Son nouveau métier lui permet de garder un bon relationnel avec tous les prisonniers : « L’avantage, au-delà de l’argent, c’est que j’étais bien avec tout le monde : les gars de la guérilla, les paramilitaires, les petits fous, les gars de la street, les petits vieux. J’étais le petit Français qui tatoue. »

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Des rêves et des espoirs déçus

Le confort en moins, Inocent Kidd tatoue quasi dans les mêmes conditions qu’un professionnel ! Grâce à son Instagram devenu très populaire @ inocent_kidd bénéficie de l’aide extérieure : « J’avais de l’encre Dynamic Black, des aiguilles Kwadron. Je ne connaissais pas toutes ces marques. Ce sont les gens de l’extérieur qui m’envoyaient ça. Lorsque j’ai commencé à faire mon compte Instagram en prison, ça m’a bien aidé. » Le seul souci reste « les aiguilles », il précise : « Lorsque je tatouais un détenu, je lui confiais son aiguille que je désinfectais à chaque nouveau tatouage. Je ne pouvais pas me permettre d’ouvrir une aiguille pour la jeter. Lorsque l’aiguille était usée, je la changeais évidemment. » Il tatoue des motifs symboliques en rapport avec la prison ou la culture latine, mais à sa sauce « ignorant style ». Il garde de forts souvenirs de séances au cours desquelles les prisonniers lui confient leurs rêves ou leurs espoirs déçus.

« Ils me montraient des images en me disant : « Je veux ça ! » Et je leur répondais : « Ce n’est pas possible. Je le fais à ma manière ! »

Comme ce prisonnier à qui il tatoue des îles, Inocent se rappelle : « Le gars m’a dit « Ça se trouve, je sortirais dans 20 ans ou dans 30 ans. Je ne veux jamais oublier ce rêve, celui d’emmener mes enfants en vacances sur ces îles. » Je trouvais que c’était triste. » Il se compare à un coiffeur. Avec le tatouage, il en apprend beaucoup sur ses pairs et parfois, bien plus qu’il ne le souhaiterait. Il enchaîne : « J’ai des assassins qui me racontaient des trucs horribles pendant que je les tatouais. Comme ce gars à qui j’ai tatoué un UZI derrière le coude. À tout juste 21 ans, il avait déjà coupé des têtes, mais la prison, c’est la prison ! Je ne suis personne pour juger quelqu’un sur son passé. »

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Daniel Bedoya

Le tatoueur Inocent Kidd impose son style : « Ils me montraient des images en me disant : « Je veux ça ! » Et je leur répondais : « Ce n’est pas possible. Je le fais à ma manière ! » Après plusieurs tatouages, ils ont pris confiance et finalement, ils ont aimé ce que je faisais. Ils me laissaient même carte blanche ! » Durant son incarcération, Inocent Kidd tatoue deux fois à la machine. En effet, les gars font entrer une rotative pour une pointure du réalisme qui vient en visite, le tatoueur Daniel Bedoya. C’est une star auprès du grand banditisme en Colombie et il a gagné des prix dans des conventions en France. Le jeune artiste raconte : « Je l’ai vu tatouer. Il a trop kiffé mon délire. Il a voulu un tatouage et il était content. Ça m’a boosté ! Je lui ai fait un AK 47. Il l’a partagé sur son Instagram en disant « Hé, je suis avec un petit Français ! »

Ce sont des moments qui m’ont aidé à ne pas lâcher. » En Colombie, Inocent Kidd passe 18 mois durant lesquels il tatoue quasiment 1 à 3 tatouages tous les jours. Extradé en France, il reste plus de 8 mois sans toucher aux aiguilles. Dur moment de solitude durant lequel le gamin essaie de ne pas craquer psychologiquement : « Lorsque que j’ai eu tout le matos, je n’avais personne à tatouer, rires ! Alors, je m’en suis fait un ! J’ai ressenti cash cette énergie positive que me donne le tatouage ! Je me suis tatoué Félix (the cat) avec les menottes pétées. » En prison depuis 3 ans, Inocent Kidd attend que son affaire soit jugée. À sa sortie, il aimerait tatouer de manière professionnelle, car l’art de l’encre l’a aidé à se sentir plus libre en prison. Alors, suivez son Instagram et n’hésitez pas à lui écrire, il vous répondra !

Instagram : https://www.instagram.com/inocent_kidd/

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Alexandra Bay

+++ Auteure de LOVE, TATTOOS & FAMILY, (ISBN : 2916753214) +++ Co-Fondatrice de FREE HANDS FANZINE +++ TATTOW STORIES +++