Durant les années 90, Estevan Oriol est le 1er photographe à capturer la culture Chicano. Mexicano-américain, Estevan est né et a grandi dans la cité des anges. Au sein de sa communauté, avec son appareil argentique, il a immortalisé les clubs de lowriders, le tatouage, le hip-hop et les gangs. Depuis, Estevan est devenu un photographe de renommée internationale. En 2018, il a publié un important recueil photographique « This is Los Angeles » aux éditions Drago.
Interview : Alexandra Bay – Photos : Estevan Oriol
La photographie est-elle une affaire de famille ?
Estevan Oriol : Oui, dans ma famille c’est « de père en fils» en ce qui concerne la photographie. C’est au début des années 90 que mon père Eriberto Oriol (Ndlr. Il est aussi un photographe reconnu) et sa femme m’ont donné leur appareil photo supplémentaire. À l’époque, j’étais dans mon club automobile de Lowriders. Et Muggs (Cypress Hill) m’avait confié la direction de House of Pain.
Vous êtes né et vous avez grandi à Los Angeles. Quel était le contexte social ?
Estevan Oriol : L.A. est un grand melting-pot de nombreuses cultures. Il y a tellement de gens qui viennent ici pour avoir de meilleures opportunités que ce qu’ils ont chez eux. Ils viennent pour la météo. Ils pensent aussi que c’est là que leurs rêves peuvent devenir réalité. Quand j’étais enfant, il y avait principalement des Latinos, des Noirs et des Blancs.
Comment avez-vous découvert la culture des Lowriders ?
Estevan Oriol : Je suis Chicano alors mon père m’a beaucoup appris en grandissant. Je me souviens d’avoir vu des Lowriders, des tatouages et des Harley’s quand j’étais tout petit. J’ai eu mon premier tatouage en 1986.
Qu’est-ce qui t’attirerait dans la culture des Lowriders ?
Estevan Oriol : Cela fait partie de ma culture. J’aime les voitures old school et j’ai grandi dans une famille Chicano. J’ai toujours été attiré par les Lowriders plus que tout autre type de culture automobile. J’ai acheté ma Chevrolet Impala de 1964 en 1989 et je l’ai toujours. Depuis, je l’ai reconstruite 4 fois. Elle s’appelle «Blue Velvet» d’après le film. Actuellement, elle est au shop pour avoir de nouveaux Hydrolics, de nouveaux freins à disque, une injection du carburant et d’autres petites choses pour la ramener à la rue.
Parle-moi de ce célèbre club Lowriders auquel tu as adhéré en 1994?
Estevan Oriol : C’était un club très respecté. À un moment, nous avions même jusqu’à 60 membres. Notre club n’avait qu’un chapitre à East LA. Nous organisions nos réunions de club sur un parking de stations-service Mobile. 20 ans plus tard, avec 20 de nos membres, nous avons créé notre propre club appelé Pegasus. Vous pouvez voir nos rides sur Instagram sur le compte @pegasusLA.
lÉtais-tu intéressé par le tatouage de style Latino ?
Estevan Oriol : Je me suis fais tatouer en 1986. En comparaison à la façon dont les gens se font tatouer maintenant, on peut dire que j’ai tardé. Par contre, je ne porte que des tatouages de style Chicano.
Peux-tu me donner les noms de tes tatoueurs ?
Estevan Oriol : Je me suis fait tatouer par Mister Cartoon, José Lopez, Lucky Alvarez, Frank Ball, Mark Mahoney, Chris Garver, Madoka, Danny Wild, Tattoo Tony, Rene Soto, Charlie Roberts, Franco Vescovi and Carlos Torres. J’ai oublié quelques noms d’Européens, mais c’est ce que donnent des années de fête intensive.
Comment se sont déroulées les séances photos avec les membres de gangs ?
Estevan Oriol : Je connais de nombreux membres d’environ 50 gangs différents dans toute la ville. C’était facile pour moi de prendre des photos de la plupart des gens, car j’étais de la communauté Chicano. Le plus difficile était de faire en sorte que certaines personnes vous laissent les photographier. La plupart des gangsters au début étaient mes amis ou des amis d’amis. Quand ils ont vu les photos que j’avais prises d’autres personnes, ils les ont aimées. Alors ils m’ont fait confiance.
Comment la société américaine a-t-elle perçu la culture chicano?
Estevan Oriol : La culture chicano a eu son lot de racisme. Il suffit de se renseigner sur les émeutes de Zoot Suit Riots (1943) et la bataille de Chavez Ravine (1951-1961) pour ne citer que quelques exemples.
Qu’est-ce qui te manque le plus des quartiers de ton enfance ?
La gentrification est toujours triste quand vous voyez l’ancien disparaître pour laisser place au neuf. Vous changez complètement un quartier en vous débarrassant des gens, des lieux et des choses qui font les souvenirs de leurs vies.
www.estevanoriol.com
Instagram: @EstevanOriol
Livre « This is Los Angeles »
80€ – 224 pages
SKU: 9788898565245
Editions Drago
www.dragopublisher.com